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Face à l'industrialisation de la viticulture sur l'ensemble des étapes de production (taille, récolte, tri) et à l'uniformisation du goût des vins à travers des processus chimiques complexes, des vignerons ont décidé de prendre le chemin inverse.

Olivier et Baptiste Cousin, viticulteurs à Martigné-Briand, sont producteurs de vin nature, en biodynamie, à traction animale.


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Aimer, Observer, Cultiver

Olivier Cousin est vigneron en vin nature.

Il est connu pour avoir été en procès, médiatisé, contre la fédération des AOC. Après avoir tenté de changer les choses de l’intérieur, il avait quitté le groupe de l’appellation locale et avait continué à inscrire le terme « Anjou » sur ses bouteilles. Son vin était pourtant fabriqué dans la région, mais la législation interdit l’emploi de ce terme.

Un peu plus provocateur, il avait joué avec le terme AOC en écrivant Anjou Olivier Cousin (AOC) sur certaines étiquettes. Son procès était pour lui une tribune afin de dénoncer la grande quantité de produits chimiques autorisés des normes AOC.

Si ce n’est pas cette histoire qui nous a amené chez lui, elle est révélatrice. Olivier Cousin fait du vin à sa manière, un vin respectueux de la terre, de ceux qui travaillent pour le produire et de ceux qui le boivent. Il aime partager les connaissances qu’il a acquises depuis qu’il travaille en tant que vigneron, et il est prêt à défendre d’autres manières de produire.

Quand on le rencontre, on se rend vite compte que sa manière de travailler n’est pas motivée par une quelconque volonté militante. Elle est avant tout liée à la manière d’être du couple qu’ils forment avec Claire, sa femme. Des personnalités qui aiment la vie, les gens et qui vivent avec joie, humour et générosité.

Olivier et maintenant Baptiste, son fils qui a repris la moitié des vignes familiales, produisent donc du vin. Ce n’est pas un vin tel qu’on l’imagine dans la « tradition française » de châteaux prestigieux : c’est un vin nature, un vin vivant et pour aller plus loin, un vin libre.

Sa particularité première est sans doute sa composition. Un vin nature est un vin dans lequel il n’y a aucun additif, uniquement du raisin qui a fermenté naturellement. Sans sucre, sans souffre, sans levure, sans sulfite, c’est un vin qui se boit sans fin, qui ne fait pas mal à la tête.

Sans aucun ajout, le vin est tributaire des aléas de la nature, de la qualité des raisins et des intempéries. On ne modifie pas son aspect, sa couleur, son goût. C’est un vin différent chaque année, même si c’est la même cuvée, même si les raisins viennent des mêmes vignes.

Le second fils d'Olivier Cousin est sommelier à Londres, il parle du vin de la famille :

« C'est un vin vivant, qui change toutes les années. C'est un vin qui évolue, c'est un vin qui ne s'arrête jamais. On va le sentir changer, en fonction du temps, de notre humeur. C'est un vin qui parle. »

Alors ce vin, est-il bon ? La réponse d’Olivier ne parlera pas de saveurs, ni de la robe de son produit final. Selon lui, ce qui créée un bon produit, ce n’est pas uniquement ses ingrédients, c’est son histoire.

« Si ça s'est bien passé, que les gens étaient sympas, qu’on s’est serré les coudes et qu'on était contents de notre travail, le résultat, il est forcément bon ! »

Son vin, Olivier l’appelle aussi « vin vivant » : un vin fait à partir de vignes en biodynamie, sans produits chimiques, en respect avec le sol et les êtres qui l’habitent. Les vignes sont labourées à la force du cheval, taillées et vendangées à la main.
Bonus : la biodynamie racontée par Olivier Cousin

Cela n'a pas toujours été ainsi. Olivier a repris les vignes de son grand-père. La passation entre génération avait sauté un cran : celui de la généralisation des pesticides et de la mécanisation à outrance. Le grand-père avait déjà refusé une partie des produits chimiques, mais il utilisait des tracteurs. En passant à la traction animale, Olivier faisait le pari de réussir à faire du vin sans utiliser de pétrole. S'il en utilise aujourd'hui pour ramener les raisins à la cave et il a tout ce qu'il faut pour s'en passer si nécessaire.

Le cheval est un compagnon de travail avec lequel il aime passer ses journées. Jo, son premier cheval, est un compagnon de route depuis plus de vingt ans.

Tout comme il est important de prendre soin de la nature et des animaux, il est fondamental de prendre soin des personnes avec qui on travaille.

Les ouvriers et vendangeurs ne sont pas considérés comme des employés lambdas, mais comme des amis qui viennent donner un coup de main, avec un objectif commun, faire un vin bon et beau.

Qu'est ce que ça change ? Tout. Les ouvriers ne sont pas payés à la minute, ni à l'heure, mais à la journée de travail. Si jamais on a fini plus tôt, on s'occupe d'autres tâches (nettoyer les caisses, ranger la cave, etc.)

Les saisonniers, on les attend, la paye est déjà faite. J’ai mon budget : 500€ par semaine par personne. On s’en fout qu’on travaille beaucoup ou pas beaucoup. De toute façon, il faut ramasser tout. Et eux ils repartiront toujours avec 500€ par semaine parce que c’est le minimum social. »

Les vendanges sont un moment de fête que l'on prépare : on tue le cochon, on réserve plusieurs barriques de vin, on fait du bon pain, on achète du bon fromage et une équipe est en charge de préparer de bons plats. Les repas sont sacrés et les tablées gigantesques.

Les vendangeurs ne sont pas que des coupeurs, ils contribuent au vin. La cave est ouverte et toutes les infos sont partagées entre deux verres pour que chacun quitte l’endroit en sachant comment se fait le vin. On s’informe de l’évolution des densités de liquide dans les cuves, de l’acidité du raisin, de la façon dont évolue la cuvée au fil des jours. Quand les vendangeurs reviennent quelques années plus tard, ils parlent de "leur" vin, celui qu’ils ont participé à réaliser.

« Il y a beaucoup de caves fermées. Tu coupes et tu ne vas jamais à la cave parce qu'ils chaptalisent, ils acidifient, ils désacidifient, ils tanisent, micro-filtration, plein de trucs un peu secrets qui sont protégés par l’appellation d'origine contrôlée. Et donc ils ne veulent pas trop de spectateurs pour ce truc-là.

Nous, on est une cave totalement ouverte. Il n'y a pas de secrets. On est des bons cuisiniers, on n'a pas peur de montrer ce qu'on fait. Les gens ils peuvent faire du vin en partant d'ici, s'ils trouvent une petite vigne, ils savent le procédé de A à Z comment ça marche. »

Une idée communément admise voudrait que cette manière de faire, respectueuse de l'homme et de la nature soit trop chère pour être rentable. À cette question : est-ce que ça coûte cher ? (la traction animale, faucher à la faucille, prendre soin des vendangeurs ou les payer convenablement), Olivier répondra simplement : soit il choisit le travail "vivant" car les autres propositions, destructrices, ne sont pas des options envisageables, soit il fait ce choix, non parce que c'est mieux, mais parce qu'il aime travailler ainsi.

Olivier sait raconter les histoires et il a de multiples anecdotes. Et au fur et à mesure qu'on l'écoute, on prend conscience de tous les avantages économiques de cette manière de faire : pas besoin d'emprunts pour acheter de coûteuses machines (machines à vendanger - qui cassent la vigne ; machines de tri optique - "nos vendangeurs ont des yeux" ; tracteurs pour déposer des tonnes d'engrais sur chaque hectare de terre - "on respecte l'équilibre des sols"), pas besoin d'acheter des produits chimiques ou des additifs pour le vin, pas besoin de budget marketing ("1 vendangeur = 10 clients"), etc.
Bonus : Les passionnantes petites anecdotes d'Olivier Cousin

Au final, ce ne sont pas les circuits de distribution qui manquent, le vin se vend bien, d'autant que les quantités sont limitées. Quatre hectares de vignes chacun avec un prix abordable à partir de 10€ la bouteille (variable en fonction des cuvées), cela suffit pour vivre bien si l’on n’en demande pas trop.

Mais au-delà de la question de la rentabilité économique à court terme, d'autres critères devraient être pris en considération. Quel est le prix de la destruction et de la pollution des sols que nous léguons à nos enfants, quel est le prix de l'empoisonnement des campagnes et des aliments que l'on ingère, quel est le prix de notre santé, quel est le prix d'être heureux d'aller travailler ?

Pour Baptiste, réaliser un vin vivant était une évidence... Et c'est aussi l'esprit de liberté qu'apporte cette manière de travailler qui l'a convaincu.


Ce qui me fait
tripper, c'est de faire du
vin libre.


Je parle vraiment d'un truc particulier.
On commence à être une bonne bande de potes
à faire du vin bio,
du vin nature,
sur de petites surfaces.


Je vois la viticulture comme un
métier de passion
qui me permet d'être libre
et de travailler avec des
gens intéressants
qui sont là parce qu'ils sont intéressés et pas pour l'argent.


Lorsqu'il a décidé de s'installer, Baptiste n’a pas voulu partager l’entreprise familiale, il a ses vignes à lui, même si tout le reste est en commun, pour faire les choses à sa manière. Il va encore plus loin que son père, en expérimentant des tisanes pour s’occuper des vignes et les moutons pour couper l’herbe et amender la terre pendant l’hiver.


On fait la viticulture de façon à être libres.


On fait ce qu’on veut, ce qu’on aime,
on travaille avec les gens avec qui on a envie,
on est son propre patron,
on décide notre emploi du temps.
Et puis quand tu es agriculteur,
tu as accès à la terre.


Ma vision de la liberté, c’est l’autarcie.
C’est à dire que si j’ai besoin d’un truc, je me démerde,
j’arrive à le fabriquer,
ou je peux fabriquer quelque chose
que je peux échanger
contre quelque chose dont j’ai besoin.

Tout ça amène la liberté.


Cette liberté se retrouve dans tous les aspects du travail : la vinification est un jeu avec des tests en tout genre, les étiquettes sont réalisées par les copains, sans normes ni codes classiques, pour amuser ou faire rire.

Les parcelles réduites permettent de limiter le travail et de passer son temps ailleurs. Olivier et Claire partent en bateau plusieurs mois par an. Ils traversent l’Atlantique et profitent de l’océan.

La navigation a toujours été une passion. À 18 ans, Olivier a tout quitté pour vivre en nomade des mers en Afrique et en Amérique latine. Il voulait être marin. Au final, il a promis à sa grand-mère de reprendre les vignes. Il était toujours rentré pour les vendanges, le grand-père lui payait le billet d'avion et il gagnait de quoi repartir sur la mer.

Baptiste a préféré un mode de voyage terrestre, c’est en camion aménagé qu’il a parcouru la France et l’Europe avant de reprendre les vignes familiales. Il vit toujours en camion sur un terrain acheté collectivement avec des amis et apprécie la liberté de savoir qu’il suffit d’un tour de clé pour partir vers d’autres horizons.

J’ai 3 hectares et demi de vignes, je peux m’en occuper tout seul à l’année. J’embauche un pote pour tailler, c’est plus pour me tenir compagnie que pour avancer plus vite.

Du coup quand tu embauches, ça te libère un peu de temps pour faire du potager, voyager, aller vendre ton vin, démarcher et aller voir les gens.

Tu embauches des saisonniers du coup, il y a du monde chez toi. Il y a ce côté un peu festif aussi, forcément, avec le vin.

Festivité, liberté...
Je ne sais pas trop à quoi aspirer de plus.
L’amour ?


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 En bonus !

 Les petites phrases d'Olivier Cousin

 La biodynamie racontée par Olivier Cousin



Olivier et Baptiste Cousin sont vignerons à Martigné-Briand (49)



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